Dip into the blue
Organized on the occasion of the Luxembourg City Film Festival
Maison Touchard de Luxe, Luxembourg
7 March - 17 April 2022
Organized on the occasion of the Luxembourg City Film Festival
Maison Touchard de Luxe, Luxembourg
7 March - 17 April 2022
EN [French version below]
Lying in the dark alone with my smartphone, I begin to scroll. My face is illuminated by the blue light of my screen, the familiar glow that saturates my voyeuristic frenzy as I’m propelled from one account to another, trapped in an endless quest of infinite images of bodies and lifestyles, both real and illusive. Beyond the fleeting images, it’s this cold blue light that keeps me company for many long, intimate and somewhat shameful, hours. I’m fascinated and horrified by this form of paralysis that comes over me: I want to stop looking. I can’t look away. My explore page is populated with diamond rings and everyone i know and everyone i don’t know but follow anyway is having a baby. I feel my age acutely, and the longing.
But how much of this desire is manufactured? How strange to consider that something so intimate and primal, meant to stem from deep within and express itself outward, could in fact be implanted, like a foreign seed. Of course the manufacturing of desire is the basis of modern advertising: the very invention of propaganda by Edward Bernays, the father of PR, to sell cigarettes to women by honing in on their “penis envy” (thanks Uncle Siggy). I think of the summer I turned seventeen, how I’d gorged myself on French New Wave films, Belmondo, Karina, the thumb on his lip, the dangling cigarette singeing with each pouty breath. On the eve of my birthday, as I prepared for my party that night, running the shower until everything was steam, I crouched naked by my bedroom window in the attic of my parents home and furtively smoked a stolen cigarette, imagining myself, by this rite, now a woman. Soit belle et tais toi, it all seemed to imply. And so I complied. This image, or perhaps neurosis – fed first by weekly readings of Vogue and Elle, and later by the endless scrolling – would come to dictate a skillfully monitored control over everything that went into my mouth and came out of it.
Dip into the blue is Maison Touchard’s first exhibition in Luxembourg, following a long hiatus due to Covid and several relocations. A blue streak runs through the works assembled here by Pooya Abbasian, Annabelle Agbo-Godeau, Sofia Bohdanowicz, Amalia Laurent, Amandine Maas and Anna Zoria, constituting the exhibition’s red thread. Weaving together painting, video, photography, sculpture, and sound, the show explores notions of the female gaze, voyeuristic pleasures, and the many screens, windows, and lenses through which identity is constructed and performed. The exhibition basks in a cerulean hue cast by the pornos of yore - low budget fuck films once known as blue movies.
///
FR
Seule devant l’écran de mon smartphone, je scroll dans le noir. La lumière bleue qui éclaire mon visage est bien familière, elle accompagne la frénésie voyeuriste qui me fait naviguer d’un compte à l’autre, dans une quête infinie d’images de corps, de vies, réelles et fantasmées. C’est l’écrin froid qui enveloppe mon visage pendant ces longues heures, intimes et un peu honteuses. La paralysie me gagne: j’en suis à la fois fascinée et horrifiée. Je veux arrêter, mais je ne peux pas. Mon Instagram est remplie de bagues de fiançailles et tous ceux que je connais, et tous ceux que je ne connais pas mais que je suis quand même - tout le monde attend un bébé. Je ressens mon âge aussi intensément que cette envie.
Mais à quel point ce désir est-il fabriqué ? Il est étrange de penser qu’une sensation si intime, si primaire, qui semble germer au plus profond de soi et s’exprimer de l’intérieur vers l’extérieur, puisse en fait être implantée, comme une semance étrangère. La manufacture du désir est bien sûr à la base de la publicité moderne : la propagande fut inventée par Edward Bernays (qui donna naissance aux relations publiques), pour vendre des cigarettes aux femmes en faisant appel à leur “envie du pénis” (merci tonton Sigmund). Ça me rappelle l’été de mes 17 ans, quand je me gorgeais de films de la Nouvelle Vague, de Belmondo, d’Anna Karina, la cigarette aux lèvres, se consumant à chaque bouffée. A la veille de mon anniversaire cet été là, alors que je me préparais pour la fête, faisant couler l’eau de la douche jusqu’à ce que la buée ait totalement envahi la pièce, je me penchai, nue, à la fenêtre de ma chambre, dans le grenier de chez mes parents, et je fumai furtivement une cigarette volée. Par ce rite de passage, pensai-je, je deviens une femme. Le glamour et des rôles secondaires : c’est ce qu’impliquait, selon moi - selon eux -, ce label que je pouvais enfin revendiquer. Un label ou plutôt une névrose, qui, d’abord nourrie par une lecture hebdomadaire et attentive de Elle, puis plus tard par l’incessant scrolling, conduira à un contrôle savamment monitoré de mon corps et des nourritures autorisées à y pénétrer et à en sortir.
Dip into the blue est la nouvelle exposition de Maison Touchard, qui pose ses valises au Luxembourg après un long hiatus imposé par le virus du covid et plusieurs déménagements. Le rayon bleu y est un fil rouge qui parcourt les oeuvres de Pooya Abbasian, Annabelle Agbo-Godeau, Sofia Bohdanowicz, Amalia Laurent, Amandine Maas et Anna Zoria. A travers un corpus de peintures, vidéos, photographies, sculptures et sons, l’exposition explore la fabrique de l’identité, du genre et du désir qui se déploie à travers la multitude d’écrans, de fenêtres et d’objectifs qui nous entourent. Dip into the blue est bercée par la lueur azur du porno rétro - ces films, un peu miteux à petit budget, alors appelés blue movies.
~ Mélanie Scheiner & Clémentine Proby